En Entre-deux-Mers et en Côtes de Bourg, deux châteaux accompagnés par l’œnologue Romain Traste sont en train de vinifier des cuvées inédites. De quoi se différencier et se faire remarquer par les cavistes ou restaurateurs. Par Marion Bazireau pour Vitispère.
Jérôme Boutinon et son oenologue-conseil Romain Traste. – crédit photo : Romain Traste
Sur ses conseils, les vignerons ont choisi des parcelles où le cépage présentait encore un profil “blanc”. « Nous ne recherchions pas les tanins mais une aromatique florale, avec peu de notes de fruits rouges » poursuit l’œnologue-conseil, créateur de la société Ecotone œnologie.
Le moût a été ensemencé avec la levure Fermivin Vinae, capable de fermenter jusqu’à 11 % d’alcool en produisant beaucoup d’acétate de 2-phénylethyle, une molécule responsable d’arômes floraux intenses dont la rose. « C’est la première fois que cette non-saccharomyces sélectionnée en Uruguay est testée à Bordeaux, se réjouit Romain Traste. Le distributeur Erblsöh va d’ailleurs suivre de près cet essai ».
Malo partielle et barrique d’acacia
Quand la cuve aura perdu 30 points de densité, les vignerons y ensemenceront la levure Alchemy I, censée produire des esters et amplifier l’intensité et la complexité aromatique.
« Nous verrons à la dégustation, mais nous envisageons déjà une fermentation malolactique partielle avec une bactérie non butyrique pour encore accentuer son côté floral sans l’alourdir de notes beurrées » reprend Romain Traste.
Cerise sur le gâteau, la cuvée fera un petit passage dans une barrique neuve d’acacia de 500 litres de la Tonnellerie du Sud-Ouest. « Catherine et Jérôme reprendront le même packaging que pour leur blanc de noir, avec une bouteille blanche et une étiquette sortant des codes traditionnels de Bordeaux ».
Romain Traste a eu une autre idée pour aider un deuxième client basé en Côtes de Bourg à sortir de la spirale infernale du tonneau à moins de 1 000 €. « Il a repris l’exploitation familiale il y a trois ans et vendange chaque année d’une traite une belle parcelle argilo-calcaire d’un hectare de blancs entre les 80 % de sauvignon à 10,5 % de degré potentiel et les 20% de merlot blanc plus précoce et planté sur la partie la plus haute et exposée, affichant déjà souvent 14 % » relate-t-il.
Cette cote mal taillée donne souvent des vins déséquilibrés et oblige le viticulteur à déclasser son vin en AOP Bordeaux, le cahier des charges des Côtes de Bourg n’acceptant pas le merlot blanc.
Un vin orange de merlot blanc
« J’ai d’abord pensé lui proposer de récolter en deux temps, mais qu’aurait-il fait de 200 ou 300 bouteilles de merlot blanc ? Il aurait surement fini par les réassembler. Puis le merlot m’a fait penser au rouge, et à la macération pelliculaire. Nous nous sommes dit que nous pouvions tenter un vin orange et sortir une bouteille disruptive lui permettant d’entrer chez les cavistes ou restaurateurs, sachant que le reste de sa gamme est exceptionnelle ».
Le millésime ayant été sec, le viticulteur a vendangé moins de raisins que prévu. Il a foulé et logé 120 litres dans une amphore inertée au CO2, et choisi une levure aromatique, sur la fleur et la pêche blanche. « Nous l’élèverons dans un WineGlobe, une cuve en verre qui protègera les arômes fermentaires et nous permettra de bien bâtonner pour apporter du gras et de la longueur en bouche sans extraire les tanins ».
En parallèle, le vigneron va pouvoir récolter son sauvignon à la date optimale et choisir une levure qui extraira davantage de thiols. « Il pourra ainsi rebaptiser cette cuvée du nom du château et la rebasculer en Côtes de Bourg blanc » se réjouit Romain Traste.
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