Millésime 2020 : Incidences et données du millésime… à date pré-vendanges

Le millésime 2020 : Un millésime d’une précocité rare au potentiel œnologique prometteur… qui doit se faire quelque peu attendre par Romain Traste pour Ecotone œnologie

Le millésime 2020 : Un millésime d’une précocité rare au potentiel œnologique prometteur

“Un hiver particulièrement arrosé”, voilà la constatation spontanée que tout un chacun pourrait oser faire sur ce millésime 2020 marqué par une climatologie en 2 phases. En effet et dans un premier temps, la somme des précipitations hivernales des mois de novembre et décembre se positionne nettement au-dessus des normales calculées sur les 40 dernières années à +6% en moyenne soit finalement que +53.5 mm sur les indicateurs pondérés en fonction du secteur, pour un volume globale moyen de 295 mm (source infoclimat.fr / station Bordeaux Mérignac).

La fin de l’hiver fût en retour bien moins humide avec des précipitations régulières mais peu abondantes sur le reste du millésime. Puis un moins de juillet particulièrement sec calculant un écart aux normales sur les 40 dernières années en baisse à – 34% soit -323 mm en moyenne, pour une pluviométrie bloquée en 2020 autour des 600 mm.

Il en résulte des réserves hydriques normales à faibles en fin d’été compensées par un mois d’août pluvieux…

L’état hydrique prend donc un intérêt majeur a être mis en parallèle du relevé des températures hivernales, qui dénote un hiver particulièrement chaud avec des flux océaniques dominants, marqué par très peu de journées avec des températures négatives et une moyenne pondérée de températures élevée supérieure aux normales saisonnières en Gironde de +2.1 à +2.7°C et un écart moyen pour la période aux normes 1981-2010 pour la période de +1.78°C, qui symbolisent parfaitement la tendance actuelle au réchauffement climatique.

Pour autant, malgré des températures saisonnières hautes, l’ensoleillement fût lui, inférieur à la normale (-22 %). Après un confinement marqué par de belles journées chaudes et lumineuses, un recul de l’ensoleillement est à noter au printemps, plutôt frais, avec un mois de juin froid présentant un degré jour unifié (DJU), différence entre la température extérieure et une température de référence, en recul par rapport au mois précédent.

Débourrement précoce

La conséquence directe de cette climatologie chaude et humide fût de provoquer une accélération du cycle végétatif avec un débourrement 2020 parmi les plus précoces des 20 dernières années. Il se situe en moyenne sur l’ensemble des cépages du département autour du 19 mars 2020 soit 10 jours en avance par rapport à 2019 et 13 jours en avance par rapport à la moyenne des 20 dernières années.

De fortes différences entre les cépages précoces et tardifs ont été constatées mais aussi un léger ralentissement du développement végétatif sur la période du 15 au 30 mars.

Les quelques courts épisodes de temps frais et humide en avril et mai n’ont pas été suffisants pour ralentir significativement le cycle de développement et la floraison, elle aussi s’est vue avancer de pratiquement 3 semaines par rapport à la date normale aux alentours du 17 mai. Couplée à une augmentation rapide de la température du sol et à des réserves en eau en quantité non limitée et à la présence d’éléments nutritifs disponibles, plus une assimilation azotée satisfaisante, la croissance des rameaux primaires fût très active. A noter qu’en cas de carences en calcium relevées (élément important dans la rigidité cellulaire) ; cette croissance rapide peut être à l’origine d’une fragilisation potentielle des rameaux et d’une sensibilité accrue des baies au botrytis déjà constatée en 2016. (Source Keller and All)

Les conditions ont donc permis une floraison homogène et une nouaison rapide et régulière sans phénomène marqué de coulure et millerandage, mais la pression mildiou était encore cette année très importante

Après mi-juin, la diminution des épisodes pluvieux a entraîné le contrôle de la sporulation du mildiou avec une pression encore très forte. Dans certains endroits, des grappes auront été touchées.

On constate également un nombre de grappes par pied important du fait d’une bonne initiation florale en 2019 et d’un taux de croissance fort des rameaux primaires.

Juillet : un mois ensoleillé, chaud, sec et venteux

Ces conditions parfaites à la fois pour le moral et la maîtrise viticole auront permis de juguler la pression maladie en particulier une sortie d’oïdium sur certains secteurs. On constate en parallèle une croissance régulière de la vigne sans stress hydrique (due aux réserves souterraines) et un impact positif sur la nouaison et la croissance des baies. La précocité en terme phénologique est maintenue avec une véraison vite enclenchée.

A l’image de la floraison, la véraison a aussi été précoce avec l’apparition des premières baies colorées dès la mi-juillet et une généralisation de ce phénomène la semaine du 20 juillet. Début août, toutes les grappes étaient verrées, sous une chaleur parfois caniculaire mais sans signe de stress hydrique manifeste du fait de conditions plus chaudes que sèches en Gironde et un épisode pluvieux juste avant le 15 Août.

Ce millésime 2020 marqué par cette précocité phénologique de 2 à 3 semaines selon les secteurs, laisse présager un beau potentiel œnologique en cette phase de suivi de maturité. Les premiers indices de maturité parcellaires montrent des baies présentant des poids plus importants que l’an passé, avec une belle homogénéité entre les parcelles et sans signe de flétrissement malgré les épisodes caniculaires.

Au 17 août, la synthèse des anthocyanes est bien avancée mais l’extractibilité reste encore insuffisante. Les pellicules sont épaisses et peu perméables et à la dégustation peuvent présenter encore quelques notes herbacées. Les pépins débutent tout juste leur maturation avec des teintes vert/jaune dominantes sur l’ensemble des parcelles et une hydratation très prononcée. A la dégustation, ils présentent une acidité élevée et une astringence marquée, le caractère amer est présent mais léger.

Dans la continuité, les indices parcellaires réalisés dans la semaine du 24 août permettent de constater une évolution lente des principaux critères de maturité malgré des conditions très favorables… aussi bien pour les merlots que les cabernets. Le poids des baies a peu évolué, mais le volume des jus a augmenté.

Les sucres poursuivent leur accumulation permettant une augmentation du TAP% de 0.5 point. L’acidité totale et l’acide malique continuent à diminuer, mais les valeurs ne sont pas encore considérées comme très basses pour nos parcelles de référence. La synthèse des anthocyanes se poursuit alors que l’évolution des pellicules est encore insuffisante pour permettre une augmentation notable de l’extractibilité. Les pellicules sont épaisses et peu perméables. Les pépins évoluent peu et restent acides et astringeants.

A la dégustation, les notes aromatiques ne sont pas encore franchement présentes.

Indice de perméabilité pelliculaire et maturité des pépins

A ce jour et dans les conditions climatiques actuelles, l’état pelliculaire n’est pas suffisamment avancé pour induire un développement massif et rapide de la pourriture. Mais, il est important de noter que cette année particulièrement en raison de la taille des baies et de la compacité de certaines grappes, il sera prudent de suivre les indicateurs de maturité pelliculaire.

En parallèle les mesures de maturité des pépins de cette semaine ne mettent en évidence qu’une très faible évolution comparée à la semaine dernière. La maturation des pépins est lente et l’hydratation toujours très importante. A la dégustation, ils restent acides et astringents. L’amertume est présente mais toujours masquée par une importante acidité pour les pépins les plus verts.

En conclusion, ce millésime d’une précocité rare présente à l’approche des vendanges un potentiel œnologique prometteur… qui devra se faire quelque peu attendre afin d’obtenir sa plénitude et la confirmation de ses qualités et quantités finalement assez classiques ?

Par Romain TRASTE pour Ecotone œnologie

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